BlogConformitéComment le juriste d’entreprise peut-il sensibiliser les acheteurs aux principales problématiques juridiques ?

Comment le juriste d’entreprise peut-il sensibiliser les acheteurs aux principales problématiques juridiques ?

La fonction de juriste s’est profondément étoffée ces dernières années au regard d’une législation toujours plus exigeante à l’égard des entreprises. De nouvelles réglementations naissent régulièrement touchant diverses spécialités juridiques qui doivent être maîtrisées par les entreprises.

Devoir de vigilance, protection des données personnelles, droit des salariés, lutte anti-corruption, responsabilité sociétale des entreprises etc ; les matières sont multiples et laissent peu de marge de manœuvre aux entreprises dépourvues de juristes.

La fonction achat des entreprises est particulièrement sensible aux interventions du juriste qui joue tour à tour le rôle de juriste lanceur d’alerte et de juriste prescripteur, en supervisant un cadre d’action sécurisé des acheteurs.

En effet, bien que les acheteurs possèdent des compétences juridiques, l’intervention du juriste spécialiste est souvent necessaire pour valider la contractualisation des engagements pris avec le fournisseur et vérifier que les risques existants sont identifiés et encadrés à l’issue d’un processus d’achat.

Concrètement, quel est le rôle du juriste interne pour sensibiliser les acheteurs ? Faisons le point.

Gérer les risques grâce aux interactions entre juristes & acheteurs

Le juriste d’entreprise peut exercer des rôles différents selon les problématiques rencontrées. Il intervient souvent en prévention de tout litige en informant ses collaborateurs des risques juridiques, exerçant ainsi le rôle de lanceur d’alerte. De même, il peut être sollicité lorsque les risques juridiques se réalisent et intervient dans ce cas en tant que juriste prescripteur.

  • Le rôle de lanceur d’alerte

Le juriste en tant que lanceur d’alerte parvient à sensibiliser les acheteurs en intervenant en amont du processus achat. Il alerte en effet ses collaborateurs sur les risques de violation du droit ou de l’éthique (RSE).

Dans le cadre d’une gestion de projet achat, le juriste intervient afin d’informer les acteurs sur les problématiques juridiques qui peuvent être soulevées dans différentes matières : droit commercial, droit fiscal, droit marketing, propriété industrielle/intellectuelle etc.

En tant que lanceur d’alerte, le juriste anticipe les litiges d’un projet qui présenterait un risque juridique élevé.

La prévention juridique peut notamment prendre la forme de newsletters mensuelles ou flash infos à l’attention des acheteurs résumant les dernières actualités juridiques importantes.

  • Le rôle de juriste prescripteur

Sont dits « prescripteurs » les juristes ayant vocation à influencer le choix des fournisseurs, des produits ou prestations achetés en intervenant notamment dans la phase précédant la négociation (mise en place des cahiers des charges, critères de choix, délais de livraison etc).

Le juriste d’entreprise s’appuie en effet sur un réseau de partenaires externes variés (experts, fournisseurs, professionnels du domaines juridiques ..) afin de répondre aux besoins identifiés. Ce rôle lui permet donc d’apporter des solutions en coordonnant des prestataires extérieurs.

Il veille par ailleurs à la bonne application de la réglementation et peut accompagner la Direction achat de l’entreprise afin de vérifier que les réglementations soient bien respectées et que les risques d’infraction ou de contentieux sont écartés.

Le juriste compliance au coeur de la stratégie achat

Face à l’existence des risques fournisseurs grandissant et à l’émergence d’une réglementation de plus en plus stricte à l’égard des entreprises, la collaboration entre juristes compliance et acheteurs devient indispensable.

Le juriste compliance a pour rôle de prémunir l’entreprise de tout risque de non-conformité et bien que la plupart des acheteurs soient conscients de la nature de ces risques, la mise en place concrète d’un encadrement juridique nécessite souvent le regard du juriste spécialisé.

Le regard du juriste compliance sur le risque de dépendance économique fournisseurs

La dépendance économique des fournisseurs est l’un des risques persistant des processus d’achat. Rappelons que l’abus de dépendance économique est une pratique anticoncurrentielle interdite par l’article L. 420-2 du Code de commerce.

Elle illustre les situations dans lesquelles un fournisseur/sous-traitant est en situation de dépendance économique vis-à-vis d’un client car la majorité de son chiffre d’affaires se concentre sur ce dernier.

L’abus de dépendance économique est constitué en présence des éléments suivants :

  1. L’existence d’une situation de dépendance économique avérée
  2. L’exploitation abusive de cette situation par le client
  3. L’affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence.

Autrement dit, les acheteurs ou donneurs d’ordres responsables de la dépendance économique de leur fournisseur encourent de sévères sanctions pécuniaires (article L.464-2 du Code de commerce).

Le rôle du juriste sera ici d’anticiper toute situation d’abus de dépendance économique en alertant les acheteurs si certains critères laissent penser que la collaboration avec un fournisseur présente un risque juridique élevé.

Dans ce sens, la jurisprudence considère qu’un contrat d’environ 25 à 30% du chiffre d’affaires du fournisseur avec un acheteur est acceptable pour éviter la dépendance du fournisseur.

Le regard du juriste compliance sur la mise en place de la loi Sapin II

Pour mémoire, la loi Sapin II du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi n° 2016-1691), vise à renforcer la lutte contre la corruption en France.

Cette loi impose aux entreprises un certain nombre de règles strictes dans le but de vérifier les situations juridiques des fournisseurs avant de s’engager avec ces derniers.

La loi Sapin II contient de nombreuses mesures techniques dont la mise en place nécessite l’intervention d’un juriste spécialisé.

Aussi, le juriste aura pour mission notamment d’analyser les cartographies des risques et d’accompagner la mise en conformité des filiales.

De même, il est l’acteur majeur de la sensibilisation des acheteurs sur la loi Sapin II en dispensant des formations sur la loi et en apportant les conseils juridiques relatifs aux spécificités de la réglementation.

Enfin, il lui appartient de mettre en place les procédures en lien avec les dispositifs anticorruption de la loi Sapin II.

Le regard du juriste compliance sur le risque de travail dissimulé

Tout contrat conclu pour un montant supérieur à 5000 euros hors taxe doit faire l’objet d’une vérification de la conformité fournisseur.

Cette obligation dite de « vigilance”, doit être exercée de façon rigoureuse et soutenue dans le temps car le devoir de vigilance suppose de vérifier tous les 6 mois, du début au terme du contrat commercial, la situation juridique des fournisseurs.

Le juriste intervient afin de mettre en place cette vérification c’est-à-dire demander au fournisseur les documents officiels énoncés par les textes dont il vérifiera ensuite l’authenticité auprès des organismes concernés.

En outre, le juriste compliance peut demander d’autres documents complémentaires selon les secteurs d’activités concernés afin de renforcer l’encadrement juridique de la conformité fournisseur.

Le regard du juriste compliance sur le Règlement Général sur la Protection des Données Privées (RGPD)

La mise en conformité au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) constitue l’un des nouveaux enjeux de la conformité fournisseurs et représente une problématique juridique centrale des processus d’achat.

En effet, dès lors qu’un projet ou une prestation implique un traitement de données personnelles, la relation donneur d’ordres/fournisseur est concernée par le RGPD.

Le rôle du juriste compliance sera d’informer et d’accompagner les acheteurs en amont de tout processus d’achat car le RGPD est nouveau et complexe rendant difficile sa mise en pratique.

Aussi, l’intervention du juriste visera notamment à former les acheteurs sur les risques fournisseurs en matière de RGPD.

En outre, les acheteurs peuvent être sensibilisés à identifier en amont si un achat de prestations implique ou non l’accès et/ou le traitement de données personnelles par le fournisseur.

Enfin, le juriste interviendra afin d’alerter sur la mise en conformité au RGPD des anciens et des nouveaux contrats.

Le regard du juriste compliance sur la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE)

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) désigne l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes.

La RSE est un critère de sélection de fournisseur désormais central pour beaucoup d’entreprises souhaitant collaborer avec des partenaires appliquant la RSE.

Aussi, le juriste compliance est de plus en plus sollicité pour aider les acheteurs à évaluer le positionnement et les actions RSE des fournisseurs avant la validation d’un engagement commercial.

Le rôle du juriste d’entreprise est transversal car il doit à la fois interagir avec les acheteurs et avec les prestataires externes. En outre, les problématiques juridiques liées aux processus d’achat touchent des matières variées selon les contextes et les secteurs d’activités.

Si les différentes casquettes du juriste (lanceur d’alerte, prescripteur, compliance) finissent souvent par se confondre, elles ont pour objectif commun de soutenir les compétences des acheteurs face à une législation en perpétuelle évolution.

Le binôme acheteur-juriste devient incontournable pour sensibiliser l’ensemble des acteurs aux risques juridiques inhérents aux processus d’achat.

Textes de références :

  • Loi Sapin II du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi n° 2016-1691)
  • article L.464-2 du Code de commerce
  • article L. 420-2 du Code de commerce
Franklin Brousse

Expert en conduite juridique de la transformation digitale des entreprises. PÉRIMÈTRE D’INTERVENTION – Rédaction et négociation de contrats (IT / Telecoms / Santé / Marketing / Supply Chain / Outsourcing), – Refonte de politique contractuelle – Gestion des risques juridiques liés aux relations avec les prestataires (dépendance économique, délit de marchandage, rupture des relations établies, …) – Conduite de projet de mise en conformité aux exigences du RGPD SPÉCIALITÉS : – Accompagnement des directions achats dans la refonte de leur politique contractuelle – Négociation de contrats relatifs à des projets innovants – Rédaction et négociation de contrats télécoms de type WAN ou mobile – Gestion d’audits de licence – Support juridique aux Directions Achat et Informatique – Audit des pratiques en matière de recours à la sous-traitance – Expertise judiciaire ACTIVITÉ DE FORMATION Formation sur-mesure des juristes et des acheteurs concernant les techniques de négociation les pratiques contractuelles ou encore les exigences du RGPD. PROFIL DE CLIENTÈLE : Grands comptes/PME/Institutionnels/Prestataires de services SECTEURS : Retail, Santé, Assurance, Mutuelle, Automobile, Logistique, Transport, Web… QUALITÉ DE SERVICE : expertise, valeur ajoutée, flexibilité, maitrise.

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